La vision du « Buen Vivir » provient de l’Amérique latine et nous parle de réformes aux niveaux politique, légal, institutionnel et communautaire qui ouvrent la voie à des avenirs plus durables, en renforçant la résilience des personnes face au changement climatique, aux conflits et aux défis socio-économiques.
Le 20 mars 2024, la journée internationale du travail social à l’ONU à Genève a mis cette vision au centre de ses réflexions et s’est interrogée sur la nécessité de développer une coexistence harmonieuse avec l’environnement au sein de l’accompagnement éducatif, thérapeutique et social. Caritas
Placement Familial était de la partie et a pu animer un groupe de travail en présentant divers suivis d’enfants et de jeunes dans des familles d’accueil agricoles. Cet atelier était coanimé par un représentant de Greencare, organisation faitière promouvant le travail de Care en milieu agricole créée en 2022, à laquelle Caritas Placement Familial participe aussi
activement au sein du comité fondateur.
Accueillir un enfant ou un jeune au sein d’une ferme permet un accompagnement éducatif, thérapeutique voire réhabilitatif de qualité. Le contexte de vie familiale dans un environnement près de la nature apporte des ancrages et horizons nouveaux dans des situations de vie difficiles.
Voilà un peu l’histoire de Christopher accueilli dans une famille agricole Caritas
Christopher est né, le plus jeune d’une fratrie de 3 frères, dans une grande ville de Suisse romande. Ses parents ont divorcé lorsqu’il avait 5 ans, le père est parti à l’étranger et ne donne plus de ses nouvelles. Voilà longtemps que ce n’est pas facile à la maison. La mère de Christopher n’arrive pas à joindre les deux bouts ; elle jongle avec plusieurs petits boulots et les enfants sont souvent seuls. Christopher a une scolarité en dent de scie. Il n’arrive pas à se concentrer suffisamment et aurait besoin de soutien régulier pour bien faire ses devoirs. Il montre rapidement des comportements défis à l’école et en famille ; à 11 ans, il lui arrive d’avoir déjà à faire avec la police. Bientôt un placement en
foyer ou en famille d’accueil est envisagé.
Christopher arrivera au printemps dans une ferme tenue par une famille d’accueil Caritas. Cette famille a 2 enfants plus grands que lui et de suite ces derniers mettent Christopher dans le bain : ils l’entrainent pour lui montrer l’exploitation et aider à nourrir tous les animaux. Cette nouvelle expérience intrigue Christopher qui n’y connait rien à la campagne mais cela lui plait, bien que les vaches lui fassent tout de même un peu peur.
Christopher va avoir plusieurs défis à relever : s’habituer à un tout nouvel environnement (la campagne !), de nouvelles personnes qui ne sont pas de sa famille mais vivent avec lui au jour le jour, changer d’école, construire un nouveau réseau d’amis. Il pourra aller rendre visite à sa mère et frères régulièrement sur les weekends.
Mettre en place une toute nouvelle vie : cela prendra du temps et chacun devra y mettre du sien. Au début, Christopher est tout chamboulé : les journées sont très rythmées entre l’école, les repas en famille, les devoirs et enfin pouvoir un peu s’échapper, vadrouiller sur la ferme et aller voir les vaches à l’étable. Entretemps, elles ne lui font plus peur les vaches, au contraire ! S’asseoir à côté, les écouter manger et ruminer calme Christopher quand la journée a été rude. Avant, dans son ancienne vie, il allait zoner le soir à la gare, comme ça a changé pour lui !
Pour Christopher, le plus difficile c’est parler. Ah ! Avec cette famille à table, tout le monde parle de ce qu’il a fait, raconte sa journée. Christopher ne se sait pas faire, il n’ose pas, il n’est pas habitué aux repas en commun. Chez lui, chacun mangeait pour soi, souvent devant l’ordinateur avec son plateau. Et puis, il y a l’école et faire ses devoirs régulièrement. Heureusement qu'Annie, la mère d’accueil, l’aide chaque soir. Après 2 ans d’accueil à la ferme, il apparait que Christopher a pu donner un nouveau tournant à sa vie. Il a réussi à rattraper son retard scolaire et va mieux. Il est heureux de voir sa famille d’origine régulièrement et leur apporte même parfois des légumes de la ferme. Nous lui avons
demandé ce qu’il pense de cette expérience et ce qu’il lui a aidé à faire ces pas.
« Au début j’étais complétement perdu ! Toutes ces personnes étrangères, cette nouvelle façon de vivre c’était trop. En fait, je me sentais bien seulement avec les vaches, un peu caché dans l’étable. Et puis les tracteurs de la ferme, c’est super ! J’ai envie de devenir mécano pour machines agricoles. Maintenant, je m’arrange avec la campagne. »
Cette histoire nous montre comment un nouvel environnement peut transformer une vie et redonner du sens. Pour Christopher, la ferme et un autre système familial lui a permis de trouver un nouvel ancrage, plus sain et lié à la nature. Une sorte de Buen Vivir « à la Suisse » !
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